Le Mystère du Hollandais Volant

Publié le par Davis

 

Le Hollondais volant était l'un de ces beaux navires de commerce cinglant les océans entre l'Europe et l'Orient le plus lointain. Et cet an de grâce 1666, il se disposait à longer l'Afrique et contourner le cap des Tempêtes, celui-là même qu'on nommerait plus tard cap de Bonne-Espérance, pour ne plus effaroucher personne.

Le capitaine Vanderdeken, seul maître à bord du Hollandais volant, homme sans foi ni loi, sans patience ni bonté, mais marin expérimenté, était furieux : les vents n'avaient cessé d'être contraires ou faibles, tout le long de cette côte d'Afrique, et le trois-mâts n'avançait pas. S'il ne naviguait pas mieux, le bateau atteindrait le cap au moment des grandes tempêtes d'hiver. De plus, le contrat commercial ne serait pas tenu.


Hollandais volant - portedutemps.net

(image tiré du site portedutemps.net)

 

Le Hollandais volant se traînait. Ses grandes voiles carrées, au lieu de se gonfler fièrement sous la force des alizés, pendaient, inertes, aux vergues. Son sillage ne formait pas une belle pointe d'écume blanche, mais avait même du mal à évoquer un clapotis. Les marins, qui  s'ennuyaient ferme de n'avoir aucune manoeuvre à accomplir, jouaient aux cartes quand ils ne se querellaient pas. Vanderdeken grinçait des dents en cherchant sur ses cartes marines quel courant il pourrait bien utiliser pour rattraper le retard. En vain.

Le temps passa si lentement que l'eau croupit, les vivres s'avarièrent, la faim et la soif s'installèrent. Toujours pas de vent. Alors le scorbut fit son apparition et ravagea les rangs de l'équipage qui s'affaiblissait de jour en jour et criait famine. Les hommes eurent pourtant encore la force de supplier leur capitaine de faire relâche dans un port, tandis qu'ils longeaient une côte proche, afin d'acquérir de la nourriture fraîche, de l'eau buvable et peut-être même quelques remèdes. Peine perdue. Vanderdeken n'avait pas le coeur tendre et le bien-être de ses matelots lui souciait peu. Ce qu'il lui fallait, c'était du vent, du bon vent soufflant dans le bon sens.


- Nous ne nous arrêterons nulle part, rugit-il face à son équipage. Faire relâche nous ferait perdre des heures précieuses, or il nous faut rattraper le temps perdu. Le temps, c'est de l'argent. Et moi, c'est l'argent qui m'intéresse...

 

Car le commerce avec le riche Orient était fructueux pour les capitaines et les armateurs.

 

- Pitié, capitaine, gémirent les hommes. De l'eau fraîche, des fruits... il ne faut pas longtemps pour embarquer cela ! Et nous serons frais et dispos pour le reste du voyage !

 

- Pas question de céder à vos caprices, grogna le rigide Vanderdeken. On continue, et gare à vous s'il y a de la mutinerie !


The Flying Dutchman -deviantart.com by eviolinist(image tiré du site deviantart.com by eviolinist) 


Mais le capitaine eut beau empêcher les marins de faire aiguade à terre, le bon vent ne s'éleva pas pour autant et le Hollandais volant continua à se traîner le long de la côte occidentale de l'Afrique. Enfin il parvint, longtemps après la date prévue, en vue du cap des Tempêtes. Et là, le maigre vent ralentit encore : le bateau était en panne à quelques miles de l'endroit où les eaux de l'atlantique se mêlent à celles de l'océan Indien.

Vanderdeken se campa alors sur la dunette et, tendant son poing vers le ciel, il maudit Dieu de toute la force de ses poumons et de sa fureur.

 

- Ah, le Diable m'aiderait bien mieux, lui ! Plaise à Satan que le vent se lève enfin, le vent le plus fort qu'il puisse faire, et en échange je lui baille bien volontiers mon âme, s'il la veut !

Aussitôt, une agréable brise se leva et gonfla les voiles. Le navire sembla s'enlever et voler sur les flots à une vitesse merveilleuse. Le capitaine regretta bien de n'avoir pas demandé plus tôt cette aide si efficace. Mais plus le trois-mâts approchait du cap, plus le temps se mit à forcir. Le vent se transforma en grain, le grain de tempête, le tempête en ouragan. Les matelots hurlaient de peur en s'efforçant de grimper dans les haubans et d'accomplir les manoeuvres. Des paquets de mer déferlaient sur le pont. Plusieurs marins furent emportés dans l'eau noire par les vents déchaînés.

Soudain, dans les nuées épaisses qui répandaient des ténèbres sur la mer, une immense forme spectrale se dessina. La forme gronda :

 

- Repens-toi, capitaine Vanderdeken, demande grâce et pardon pour ton blasphème ! Repens-toi, et de cette parole imbécile il ne sera pas tenu compte.

 

- Me repentir ? Jamais ! beugla Vanderdeken.

 

Il brandit son pistolet et sans la moindre crainte, tout en jurant, visa le spectre - à moins que ce ne fût un ange de Dieu - et tira. Mais le pistolet lui explosa entre les mains. La tempête enflait à chaque seconde, l'équipage se réduisait dramatiquement. Vanderdeken ne se laissait pas impressionner pour autant. Il se fit attacher au mât pour pouvoir continuer à diriger les manoeuvres.


Pirates - Aaron sims

(image tiré du site aaron-sims.com)


Et il en est ainsi depuis plus de trois siècles. Le Hollandais volant sillonne les mers, surtout dans la région du cap de Bonne-Espérance, où on l'entrevoit quelquefois, les jours - ou plutôt les nuits - de tempête. Ses voiles en lambeaux sont d'un rouge sombre comme l'enfer. Son équipage fantôme obéit, en gémissant de peur, à son capitaine ficelé au mât pour ne pas être emporté.

Il paraît que dans les tavernes du Cap, aux alentours des soirs de tempête, on voit parfois un vieux marin amer, en tricorne et habits démodés, qui propose aux matelots en bordée une partie d'échecs. Il joue avec les noirs, gagne toujours et on ne revoir jamais le marin qui avait accepté la partie.

Il paraît aussi que ce joueur d'échecs est le capitaine Vanderdeken qui complète ainsi son équipage de fantômes.

 

(récit tiré de l'Encyclopédie du fantastique et de l'étrange)

Publié dans Récits

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T
This is amazing! I have been hearing a lot about the Flying Dutchman for a while. This actually reminds me of the Dutch football team captain Rob Van Perse. Anyway, you have given an interesting about the situation.
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